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dimanche 3 janvier 2016

Pourquoi il faut "continuer" à réformer l'islam


Dans les pays musulmans, dès leur plus jeune âge on enseigne aux enfants la phrase suivante : "الاسلام دين لكل زمان مكان" // "L'islam est une religion pour tous les temps et pour tous les lieux". On a tous appris cette phrase dont la signification, très profonde, veut dire que le prophète a accompli sa mission et le message divin pour l'humanité entière est passé...
Ce message n'est manifestement pas si bien passé, compris, parce que les premières divisions au sein de l'oumma (communauté des croyants) ont vu le jour et ce au lendemain de la mort du prophète. C'est à partir de ce moment que deux clans se sont formés : le clan des partisans de Aïcha qui était une des femmes du prophète et fille d'Abou Bakr le premier Calife des musulmans et compagnon du prophète, et le clan de Ali ibn abi Talib qui était le cousin et gendre du prophète, époux de sa fille Fatima et quatrième calife des musulmans. En gros, deux grandes familles de "قريش" // la Mecque se disputaient le pouvoir, la famille de Banou Umayya et celle de Banou Haschim.

Période d'instabilité politique "الخلافة الراشدة" :
Abou Bakr qui fut premier calife est mort 2 ans après sa prise du califat. Le deuxième calife Omar ibn al khatabb (père de Hafsa, une des femmes du prophète) fut assassiné par un esclave persan  musulman (10 ans de califat). Le troisième calife Othman ibn Affân fut affreusement assassiné par des musulmans (12 ans de califat). Ali prit le califat et fut assassiné par des musulmans aussi (5 ans de règne). On a appelé cette période "الخلافة الراشدة".
La deuxième grande rupture a vu le jour quand Ali fut assassiné et les divisions entre chiites (partisans de Ali) et kharijites // "الخوارج" (partisans de Muawiyya, gouverneur de Bassora) se sont accentuées au point de déclencher une guerre civile // "فتنة". La bataille de Kerballa où Hussein, petit fils du prophète et fils d'Ali, fut assassiné d'une manière extraordinairement tragique a marqué la dernière rupture entre les deux clans. On peut dire que c'était là "le point de non retour" où les deux grands courants de l'Islam Sunnisme vs Chiisme sont à peu de choses près apparus. Les guerres entre sunnites et chiites continent bien évidemment jusqu'à nos jours et au moment où j'écris ces mots, j'entends à la radio que l'Arabie Saoudite (courant sunnite) vient d’exécuter 47 personnes accusées de terrorisme, dont un dignitaire religieux chiite, et l'Iran (courant chiite) promet de se venger...

Les différents courants de l'islam s'accordent sur l'essentiel mais s'affrontent au sujet des interprétations des textes. Au sein des principaux courants, on trouve une multitude d'écoles et de branches.                


Les sunnites qui constituent la majorité des musulmans aujourd'hui (en nombre de fidèles) s'accordent principalement sur 3 sources pour écrire le droit musulman ou chariaa // "الشريعة الإسلامية" (le Coran et les deux Hadiths de l'Imam Boukhari et de l'Imam Mouslim). Toujours chez les sunnites, il y a 4 grandes écoles juridiques // "مذاهب" ayant toutes presque les mêmes croyances mais des interprétations des textes parfois très différentes. Ces quatre écoles sont le Malékisme // "المذهب المالكي" (très majoritairement en Afrique du nord sauf en Égypte), le Hanafisme // "المذهب الحنفي" (en Égypte, en Turquie et dans les pays asiatiques de l'est de l'Iran), le Chaféisme // "المذهب الشافعي" (en Afrique de l'est et en Asie du sud-est) et enfin le Hanbalisme // "المذهب الحنبلي" (en Arabie Saoudite majoritairement).
Depuis leurs naissance entre la fin du 8éme et le milieu du 9éme siècle, ces quatre écoles de pensée et leurs préceptes religieux n'ont jamais été vraiment pratiquées dans les pays qui les revendiquent. Il y a toujours eu une guerre intellectuelle entre des "réformateurs" et des Salafistes qui revendiquaient le retour à l'islam des origines, celui du prophète et de ses compagnons // "السلف الصالح".

Est ce que tous les préceptes du Coran et du malékisme sont appliqués au Maroc par exemple ? 
La réponse est non. Au Maroc, on ne coupe pas la main du voleur et pourtant dans le Coran, sourate al Maedda [5:40], on peut lire :
"وَالسَّارِقُ وَالسَّارِقَةُ فَاقْطَعُواْ أَيْدِيَهُمَا جَزَاء بِمَا كَسَبَا نَكَالاً مِّنَ اللّهِ وَاللّهُ عَزِيزٌ حَكِيمٌ"
"Le voleur et la voleuse, à tous deux coupez la main, en punition de ce qu’ ils se sont acquis, et comme châtiment de la part d’ Allah. Allah est Puissant et Sage"
Et l'interprétation de l'Imam Malik ibn Anas dans son livre Al Muattaa // "الموطأ" est claire (lire par exemple la page 1222 des explications du livre Al Muattaa). Dans sahih lBoukhari et sahih Mouslim, les deux livres sacrés après le Coran pour les sunnites, il y a aussi des chapitres entiers sur "الحدود" et comment le voleur doit être puni.

On ne peut donc pas appliquer les préceptes de l'islam "pour tous les temps et pour tous les lieux", sauf à vouloir constituer au Maroc un bataillon de manchots... L'islam qui est pour tous "زمان مكان" // "les temps et les lieux" est l'islam spirituel, l'islam idéologique, l'islam qui  gère les relations entre l'individu et Dieu. Ne pas mentir, ne pas voler, faire la prière, respecter ses parents, "صلة الرحم" // visiter ses proches, aider les pauvres // "الزكات", etc. Tout cela fait partie d'un islam pour tous les temps et pour tous les lieux.
A l'inverse, le code de la famille comme les droits des femmes et l'héritage, tuer les mécréants // "الكفار" "où vous les trouvez", la lapidation // "الرجم بالحجارة", etc. font partie aussi de l'islam mais qui ne doit pas être pour tous "زمان مكان". Il faut donc des fatwas. Il faut que les savants musulmans légifèrent pour couper l'herbe sous les pieds des extrémistes, pour que Daech et Boko Haram ne se revendiquent pas de l'islam. Par ailleurs, quelques hadiths (recueils des actes et paroles du prophète et de ses compagnons) dans sahih al Boukhari et sahih Mouslim sont à bannir, j'y reviendrai dans un autre article...

Depuis des siècles, les sociétés civiles dans la plupart des pays musulmans ont déjà adopté des réformes de l'islam mais ce qui est paradoxal c'est que les gens ne le savent même pas. Quand aujourd'hui on questionne un musulman lambda au sujet de l'esclavage sexuel que fait subir Daech aux femmes irakiennes yézidies, les réponses vont toujours dans le sens d'une forme ou une autre de déni : "non ça n'a rien à voir avec l'islam", "Dieu est contre l'esclavage" ou "c'est faux, ce sont les américains et Israël qui véhiculent ces informations pour faire du mal à l'islam", "Daech est financée par les occidentaux parce qu'ils sont contre l'islam", etc.   
A mon avis, ces gens se trompent : soit ils n'ont pas le courage de dire que les gens de Daech appliquent bel et bien l'islam radical des "Salaf", soit ils méconnaissent ce coté sombre de leur religion. L'islam des "Salaf" a autorisé l'esclavagisme en les termes suivants : "مِلْك اليَمين" qui signifie  "الأَمَةُ " qui signifie "جارية ، امرأةٌ مملوكة عكسها حُرَّة" // "esclave". Et pendant les guerres des musulmans à l'époque du prophète, ce dernier les a autorisés à avoir des "سَبَايَا" // "esclaves sexuelles".

Voulons-nous revenir à l'islam des "Salaf" ?
Si la réponse est non, il faut donc continuer les réformes. Il faut s'informer et informer...


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